La Syrie a bon dos !

Publié le par David Leterrier

Le problème avec le camp Nahr al-Bared.

    Les violences qui secouent actuellement le Liban, autour d'un camp de réfugiés palestinien datant de 1948 situé au nord de Tripoli, n'auraient rien à voir avec la Syrie, malgré les accusations répétées de la Maison Blanche, du gouvernement libanais de Fouad Siniora, et reprises comme paroles d'évangile par la presse (Libération, Le Figaro, Le Monde, etc.). La Syrie n'est-elle pas un état voyou ?
Selon le très respecté Seymour Hersh, journaliste du New Yorker, la milice fondamentaliste sunnite Fatah al-Islam, à laquelle se heurte violemment l'armée libanaise, a pourtant été protégée par le gouvernement libanais lui-même, dans le cadre d'un plan concerté et décidé à Washington, en connivence avec le royaume sunnite saoudien.

Dans un article publié en mars, Seymour Hersh a révélé un retournement dans la politique moyen-orientale des Etats-Unis, déclenché par un accord secret entre Dick Cheney (Vice Président), Eliot Abrams (Sécurité Nationale US, qui fût condamné en 1991 pour son implication dans l'Iran-gate et le financement des Contras au Nicaragua) et le Prince Bandar bin Sultan (de la sécurité nationale d'Arabie Saoudite). Cet accord prévoit notamment que les Saoudiens financent secrètement le groupuscule sunnite au Liban, afin de faire contrepoids au Hezbollah shiite.
Dans un entretien récent sur CNN, transcrit par rawStory (/français), Hersh explique cette étrange alliance par la hantise qu'éprouve la Maison Blanche envers le Hezbollah depuis la guerre du Liban en juillet dernier et l'échec relatif de l'armée israélienne.

Avec une certaine ironie, que lui permet sa longue carrière, le journaliste vétérant du Vietnam souligne que cette opération qui consite à utiliser indirectement des groupes de combatants Jihadistes peu recommandables mais que l'Arabie Saoudite assure pouvoir contrôler, est la répétition exacte de la stratégie employée contre les Russes en Afghanistan dans les années 1980. Cette riche idée avait alors donné naissance au groupe de combattants religieux (donc anti-soviétiques!) plus connu sous le nom d'Al Qaida. Le parallèle allant jusqu'à impliquer exactement les mêmes négociateurs de l'ombre !
Ayant du mal a tirer la leçon du 11 Septembre 2001, l'administration Bush laisse sa phobie de l'expansion shiite dominer dangereusement la politique étrangère des Etats-Unis.

Une stratégie similaire est en oeuvre contre l'Iran, utilisant un groupe terroriste d'opposants iraniens réfugiés en Irak avant la guerre, ainsi que le groupe Jundullah, près du Pakistan, pour déstabiliser le régime iranien.
Dimanche dernier, la télévision iranienne a annoncé la capture de dix hommes qui traversaient la frontière, munis de cartes de régions sensibles, munis d'équipements d'espionnage et avec 500 000 dollars en liquide.

« Nous sommes en train de soutenir les Sunnites, partout où ils peuvent s'opposer aux Shiites… Nous travaillons à fomenter de la violence sectaire.» conclue Hersh.

Et d'ajouter que ce programme secret global, concocté avec les alliés saoudiens, est en train de se retourner contre ses auteurs. Les fous de dieu "sunnites" se révèlent fort peu manipulables et retournent leurs armes toutes neuves du mauvais côté, contre une banque et l'armée d'un gouvernement qui l'a au moins tacitement aidé.
[ Dans la 2ème vidéo ci dessous, Hersh révèle que le gouvernement libanais a accepté l'établissement trois groupes d'extrémistes comme le Fatah al_Islam dans certains camps et qu'ils soient financés et armés
, avec une masse de dollars US recyclés à travers divers clients locaux. Voir aussi l'article de Franklin Lamb sur le Welsh Club(traduction ƒr.)]

Ce plan "finit par nous mordre les fesses par derrière" ('it bit us in the rear !').


•     vidéo: Entretient avec Seymour Hersh, H.Gorani sur CNN. (5 mn)
 


    Rappelons que le gouvernement libanais de Fouad Siniora est soutenu par les Occidentaux, et rassemble les tendances anti-syriennes au Liban alors que le président Emile Laoud est soutenu par les Syriens et d'autres tendances libanaises.

F. Siniora vient de faire parvenir à Washington, qui l'étudie actuellement, une demande de 280 millions de dollars d'aide militaire d'urgence.

La milice fondamentaliste Fatah al-Islam, barricadée dans le camp Nahr al-Baked parmi les civils palestiniens descendants de réfugiés, a fait usage de fusils antiaériens, de mortiers et de lunettes de visions nocturnes, équipement sophistiqué que ne possède pas l'armée libanaise! D'après les télévisions locales, parmi les morts islamistes, il y aurait des Bangladais, des Yéménites et des ressortissants d'autres pays arabes. Fatah al Islam serait constitué de 150 à 200 combattants et suivrait des préceptes radicaux de type Al Qaeda, avec l'intention déclarée d'envoyer des hommes en Irak.
 Le_Figaro du 22 mai, a fait part d'une manifestation spontanée, pendant une trève, de jeunes Palestiniens du camp Nahr al-Baked contre ces jihadistes, dénoncés comme des étrangers n'ayant aucune attache avec les organisations palestiniennes.


Les officiels libanais accusent la Syrie d'avoir organisé et financé ce groupuscule fondamentaliste. Mais le ministre des affaires étrangères syrien a rappellé lundi que la Syrie avait au contraire poursuivi et emprisonné ses chefs, et avait tout intérêt à ce que ce groupe terroriste soit réprimé.

A l'hôpital du camp voisin de Bawadi, des rescapés, qui ont profité d'un arrêt des combats pour s'enfuir, reprochent au gouvernement d'avoir laisser se développer le groupe terroriste Fatah al-Islam dans leur ville, et ils se plaignent du fait que les Palestiniens semblent délibérément pris pour cible lors des attaques, ou par les snipers des deux parties s'ils cherchent à sortir du camp.

La Maison Blanche dénonce une tentative de diversion face au projet d'un Tribunal International supposé mener à son terme l'enquête sur l'assassinat de Rafic Hariri en 2005. Réaffirmant son soutient à Fouad Siniora, un porte parole de l'administration US a déclaré :
« Les Etats Unis ne toléreront pas les tentatives, venant de la Syrie, de groupes terroristes ou de quiconque, qui visent à retarder, ou à faire échouer, les efforts entrepris par le Liban pour consolider sa souveraineté et demander justice quant à l'affaire Hariri. Les responsables d'actes de violence et leur commanditaires visent à dénier au peuple libanais la démocratie, la paix et la stabilité qu'ils méritent

Rappelons qu'en juillet dernier, les mêmes politiciens se refusaient à vouloir stopper la guerre du Liban. Au lieu de retenir le bras armé d'Israël, ils se vantaient alors de fournir à l'armée israélienne, en pleine guerre, les munitions même qui détruisirent les infrastructures de ce pays qui "mérite la paix", dont les fameuses bombes à fragmentation dont les semences tuent encore dans le sud du pays.


•     vidéo: Long interview de S. Hersh sur la télévision "Democracy Now." (34 mn)

 


    "Divide & Rule"
    Depuis la mise en scène de l'exécution de Saddam Hussein le 31/12/2006, à une heure précisément située juste avant le début d'une importante journée du Hadj pour les Chiites, mais pendant cette période sacrée, selon le calendrier Sunnite, on pouvait comprendre, par cette provocation feutrée, que la corde qui a pendu l'ancien maître de l'Irak serait la mèche d'une discorde sectaire que la coalition occidentale et les Etats-Unis allaient désormais chercher à planter entre les Musulmans Chiites et les Musulmans Sunnites.


Post Scriptum
    Le ministre Bernard Kouchner, en voyage au Liban au nom des Affaires Etrangères françaises, devrait guarder à l'esprit qu'il ne jouit plus sa neutralité d'antan. Le champ de l'action humanitaire d'urgence était libre car apolitique. C'est autre chose que de désamorcer
les volontés destructrices qui, sous le couvert de fierté nationale, par excès de faiblesse ou excès de puissance, s'en donnent à coeur joie dans des zones entières, où les humanitaires ne peuvent plus intervenir depuis longtemps.
    Accessoirement, et même si ce n'est pas politiquement correct, il est probable que la crise humanitaire déclenchée par une guerre de choix faite en partie au nom dun droit d'ingérence démocratique, en Irak, devra compter plus de morts et plus de réfugiés, en moins de temps que les dévastations tragiques au Darfour soudanais.

Comment B. Kouchner pourra-t-il intervenir au Darfour plus que quiconque ? Contre l'avis du Soudan (pays sunnite proche des Saoudiens), et au seul nom d'une ingérence humanitaire [cf.'Le paravent humanitaire' d'A.Valleys] dont se drappe aujourd'hui les partisans d'une communauté internationale engagée, lorsque cette dernière "communauté" fait si peu cas de la morale et de la justice au Moyen Orient ?

Il faudrait dire à Benoît comme à Bernard que si l'on conspue "le relativisme" à tout propos, leur chère morale ne vaut plus un clou dans notre monde global, si ce n'est pour crucifier encore un fils de l'homme.

Publié dans international

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